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L’enseignement privé coûte beaucoup moins cher que le public… et c’est un rapport parlementaire qui le dit

Un rapport parlementaire, présenté début avril par les députés, LFI, Paul Vannier et, Renaissance, Christopher Weissberg, s’est penché sur le financement de l’enseignement privé. Si le rapport souligne un suivi et un contrôle inaboutis des flux de financements publics vers l’enseignement privé, les parlementaires reconnaissent bien que la dépense publique par élève du privé est moindre, entre -46% et -55%, par rapport à un élève du public. Une sur-dépense du public que dénonce la Fondation IFRAP depuis 2014. Selon la Fondation, en comparant la dépense totale associée, l’enseignement public coûte 30% plus cher que l’enseignement privé : un écart constant sur la dernière décennie et qui représente près de 30 milliards d’euros chaque année. 

Un enseignement privé moins cher que le public 

50% moins cher en comparant la dépense publique accordée par élève

Le rapport reprenant les chiffres 2021 de la Direction des affaires financières (DAF) du ministère de l’Éducation nationale compare la dépense publique par élève et estime que le coût de scolarisation d’un élève dans le premier degré est 55% inférieur dans l’enseignement privé et 46% inférieur pour un élève du second degré. 

30% moins cher en incluant les dépenses privées (frais de scolarité, de cantines, ressources propres, etc) 

Attention, le rapport parlementaire ne prend en compte que de la dépense publique sans inclure les dépenses privées (principalement les ressources propres des établissements et les frais de scolarité payés par les parents d’élèves). Pour la Fondation IFRAP, inclure ces dépenses est essentielles pour comparer, à mission égale, la dépense d’éducation par élève. En 2019, il ressortait de cette comparaison, un écart de financement de 30% environ résultant d’une sur-dépense du public par rapport au privé de 29 milliards d’euros. 

Si les méthodologies diffèrent, il faut se réjouir de voir l’écart de coût entre l’enseignement public et l’enseignement privé être reconnu officiellement dans un rapport parlementaire. À l’heure où l’État cherche à réaliser des économies et où, du côté de l’Éducation nationale, tous les voyants sont au rouge, il est temps de rationaliser les dépenses d’éducation tout en dégageant une enveloppe pour financer le coût des réformes et investir dans diverses priorités (rénovation, Éducation prioritaire, prime au mérite ou d’assiduité, etc).

Les origines du différentiel… et les oublis du rapport

Enseignants du privé et du public : un même métier mais des avantages (et des coûts) bien différents

Le rapport passe rapidement en revue les facteurs potentiels de ce différentiel. Il cite notamment les « disparités relatives aux personnels enseignants » qui « sont moins fréquemment agrégés, davantage contractuels et davantage employés à temps incomplet » dans l’enseignement privé. Une conclusion partagée par la Fondation IFRAP qui chiffrait à 6,1 milliards, le surcoût lié aux rémunérations des enseignants par rapport au privé car en effet, les effectifs du privé comptent 4 fois plus de contractuels tandis que le public emploie également 3 fois plus d’agrégés. Les enseignants du public bénéficient également d’une prime d’installation, prime dont ne disposent pas les enseignants du privé. Et le pourcentage d’enseignants du public installés en « zone 1 » (et bénéficiant d’une majoration de 3 % de leur traitement indiciaire brut) était plus important que dans le privé (21,8 % contre 17 %), ainsi que dans les DOM où ils perçoivent des majorations de rémunération liées au coût de la vie (4,8 % dans le public contre 1,9 % dans le privé).

Néanmoins, il faut regretter que le rapport passe sous silence la problématique du poids des retraites des enseignants du public par rapport au privé : ces dernières représentent un surcoût de 10,2 milliards. Pour rappel, non, les enseignants du privé n’ont pas le statut de fonctionnaire et si leur employeur est bien l’État, leurs retraites relèvent du régime général de la Sécurité sociale. Ainsi, les pensions du privé sont calculées sur les 25 meilleures années contre les six derniers mois de carrière dans le public. En conséquence, la pension moyenne mensuelle nette d’un enseignant du privé est de 2 130 € contre 2 500 € dans le public.

Ne pas aborder ce sujet est une erreur car il sera central pour toute réforme à venir de l’Éducation nationale. En effet, si l’on compare le salaire moyen super brut (incluant les pensions) entre un enseignant du public en France et en Allemagne, on constate que la contribution aux pensions est deux fois plus élevée chez nous et se traduit par un écart de 11 250 euros par enseignant français et par an. Cela veut dire que si le salaire net d’un enseignant apparait plus faible en France qu’en Allemagne, c’est à cause des charges de retraites, car l’employeur public dépense, en réalité, plus pour un enseignant français que pour un Allemand (respectivement 78 479 contre 76 628 euros annuels). Au final, les retraites du personnel de l’Éducation nationale coûtent 22 milliards d’euros par an. Ainsi, tant que la prise en charge de ce passif relèvera du ministère de l’Éducation nationale et en l’absence d’une réforme des retraites des agents publics (328 000 nouveaux enseignants partiront à la retraite d’ici 2030) toute politique de revalorisation du personnel enseignant sera vaine.

Des frais de fonctionnement en roue libre dans l’enseignement public, autogérés dans le privé

Le rapport souligne également comme facteur de différentiel du coût d’éducation le fait que, dans l’enseignement privé, le bâti scolaire « n’est pas pris en charge par les collectivités ». L’enquête sur le sujet est relativement peu approfondie dans le rapport qui déplore que la « direction générale des collectivités locales n’assure pas de suivi consolidé au niveau national des montants versés au titre du forfait d’externat, ce montant n’étant pas non plus compilé par les réseaux de collectivités territoriales (AMF, Départements de France, Régions de France) ni par le ministère de l’Éducation nationale. » Certes, il faut déplorer et remédier au fait qu’aucune consolidation n’existe, notamment sur le nombre d’agents employés par les collectivités, mais de nombreux chiffres circulent et permettent de dire que les frais de fonctionnement coûtent 1 200 euros en plus par élève du public et par an. 

Si, à long terme, les conditions d’emplois des enseignants du public et du privé doivent être alignées, c’est surtout sur ces coûts de fonctionnement que des économies devront être dégagées à terme. En jeu : 13 milliards d’euros. C’est que les établissements privés parviennent à économiser grâce à un forfait « fonctionnement » par élève (versé par les collectivités), une gestion des questions matérielles autonome (et où la responsabilité du directeur d’établissement, recruté sur un contrat de droit privé, est engagée) et une politique des ressources humaines non enseignants rationalisée. En effet, dans le privé sous contrat, 1 agent « non-enseignant » encadre 40 % d’élèves de plus que dans le public. 

Frais administratifs, dons, mixité sociale : des angles morts persistent

Le rapport liste d’autres lacunes en termes de suivi des données budgétaires et de pistes de différentiel. Il souhaite, à juste titre, que les dépenses de type « services administratifs » (gestion de la paie des enseignants, service d’inspection, par exemple) réalisées par l’administration centrale au titre de l’enseignement privé soient isolées et ajoutées aux dépenses du privé. Elles sont estimées à 790 millions d’euros pour le moment. 

Il demande également une intégration des dons octroyés aux associations des réseaux de l’éducation privés, notamment de l’OGEC (l’organisation de gestion des établissements catholiques) ou de l’APEL (association des parents d'élèves de l'enseignement libre). Sur ce point, peu d’informations circulent en effet. On sait qu’en 2019, l’Enseignement Catholique de Vendée estimait entre 40 à 50 millions d’euros annuels l’investissement des OGEC pour répondre aux besoins immobiliers notamment. On sait également en 2021, la Fondation Saint Matthieu avait récolté 5 millions de dons. 

Incontestablement, l’incorporation (ou a minima la publication des données par l’État) de ces sommes doit être réalisée mais, en regard des 13 milliards d’euros de dépenses de l’enseignement privé et des 90 milliards de l’enseignement public, elles ne devraient réduire l’écart de dépenses que de quelques pourcentages.

Dernier argument du rapport parlementaire : les « disparités propres aux élèves accueillis » où « dans le public, la Depp note des besoins plus forts des élèves en raison de l’origine sociale, […] de la proportion de bousiers, de l’inclusion scolaire ». Incontestablement, les rapporteurs évoquent sans les nommer les nouveaux indices de position sociale (IPS) des établissements scolaires et de la question de la mixité sociale qui ont fait la une des médias à la rentrée scolaire de septembre 2023. Pour la Fondation IFRAP, cet argument ne peut pas justifier un différentiel de coût oscillant entre 25 et 30% par élève accueilli. Les IPS sont d’ailleurs des indicateurs à prendre avec des pincettes : il en existe plusieurs et ces derniers se contredisent notamment sur la carte de l’éducation prioritaire Enfin, et surtout, aborder la question de la mixité sociale dans le système éducatif sans se pencher sur la question de la répartition des établissements scolaires sur le territoire n’est pas objectif. L’une des raisons pour laquelle les établissements privés sous contrat affichent un IPS, en moyenne, supérieur aux établissements du public réside dans la carte de l’enseignement privé… qui est contrainte par la règle du 80/20. Si la règle du 80/20 était respectée uniformément sur le territoire, plus de 330 000 élèves actuellement scolarisés dans le public devraient l’être dans le privé, faisant passer le nombre d'établissements privés sous contrat de 7 600 à 9 200. Une modification du paysage éducatif qui influencerait automatiquement l’actuelle carte de l’IPS des établissements.

Qu’en conclure ? On notera que les défaillances de suivi des financements publics à l’enseignement privé et ses contrôles, citées dans le rapport, reviennent systématiquement au ministère de l’Éducation nationale ou à l’État. Le flou persistant qui entoure le financement de l’enseignement privé relève toujours de données non centralisées, voire jamais publiées et de rapport maintenu secret par l’État. Comment expliquer que les rapports d’inspection des établissements privés ne soient pas automatiquement rendus publics. Le dernier en date, celui de l’établissement scolaire Stanislas dont le rapport remis au gouvernement en aout 2023 n’a toujours pas été publié officiellement. Les collectivités territoriales, chargées du financement des questions matérielles des établissements scolaires, sont d’ailleurs complètement exclues de ces enquêtes et de leurs résultats. 

S’il faut se réjouir de la publication de ce rapport parlementaire qui reconnait la moindre dépense par élève de l’enseignement privé par rapport au public, beaucoup de zones d’ombres persistent… Or, c’est dans ces zones que les arguments contre l’enseignement privé sous contrat et une pseudo « guerre scolaire » trouvent naissance.

Établir la transparence sur la gestion de l’enseignement privé et de ses financements, comme le demande le rapport, permettra de mettre en lumière les dysfonctionnements qui existent dans l’enseignement privé comme dans l’enseignement public. Cette transparence doit surtout permettra de comparer la gestion financière des deux systèmes, charge par charge, et, en l’occurrence, d’isoler les missions où le public sur-dépense afin de dégager des pistes d’amélioration et des pistes de réformes.